TEST
20 ans. 20 ans nous séparent déjà de la sortie de Metroid Prime, chef-d’œuvre de la licence Metroid et du jeu vidéo en général. Un monument qui a marqué tous les gens ayant pu y jouer un jour. Parfois décrié pour son déroulement tourné vers l’aventure (apportant avec lui le terme, désormais un peu désuet, de « FPA » - First Person Adventure), à une époque qui faisait la part belle aux FPS d’action. Mais le plus souvent encensé pour ses innombrables qualités. Il a sorti la licence d’un marasme de 8 ans sans jeux depuis Super Metroid et ouvert la voie à une décennie 2000-2010 florissante pour les aventures de Samus. 20 ans plus tard, il pave la voie à la future sortie de Metroid Prime 4. Mais que reste-il de Metroid Prime après 2 décennies ? Réponse dans ce test.
Rédigé par Bidoman
Le contexte
Cela faisait plusieurs années déjà que des rumeurs circulaient… Retro Studios et Nintendo plancheraient sur des portages ou des remakes de la trilogie Prime pour la Switch, afin de préparer le terrain à la sortie (un jour) de Metroid Prime 4. Mais à part quelques délits d’initiés que personne ne prenait vraiment au sérieux, absolument aucune info n’avait filtré.
Et finalement boum, voilà non pas la trilogie dans son ensemble mais « seulement » un remaster de Metroid Prime pour Switch, annoncé comme un cheveu sur la soupe dans le Nintendo Direct de février 2023 ! Prenant tout le monde de court, Nintendo dévoile non seulement l’existence de ce remaster mais le rend aussi directement disponible en téléchargement dès la fin du Direct, en attendant sa sortie physique quelques semaines plus tard.
Aux manettes, toujours Retro Studios, les orfèvres originaux. Après avoir laissé la saga Prime en friche pour se concentrer sur d’autres projets, notamment deux splendides épisodes de Donkey Kong sur Wii et Wii U, le studio texan est revenu se frotter aux Métroïdes et aux Pirates un peu en catastrophe. Metroid Prime 4, annoncé dès 2017, s’est retrouvé bloqué dans l’enfer de développement, ayant conduit à la remise à zéro du projet quelques années plus tard. Exit le studio chargé du développement (d’aucuns prétendent qu’il s’agissait de Namco Bandai), Retro revient sur le projet pour tenter de sauver les meubles et donner un nouveau départ à ce Metroid Prime 4 dont on est sans nouvelles depuis son reboot…
Mais Retro ne reste pas sans rien faire, et il se dit entre gens bien informés que le portage Switch de la trilogie Prime était prêt depuis longtemps. Ne manquait donc qu’une rampe de lancement au bon moment. Rampe qui n’arrivait définitivement pas, jusqu’à ce mois de février 2023, quasiment 20 ans après l’arrivée du premier Prime. Ce remaster est donc bien plus qu’un portage du jeu originel, c’est une démo technique et une preuve de concept pour le futur Metroid Prime 4. Par ce biais, Retro et Nintendo veulent montrer leur savoir-faire, mais aussi que les Prime n’ont pas été oubliés et que le 4 arrive. Patience.
En attendant, retour sur Tallon IV.
Le même en plus beau
Soyons clair d’entrée de jeu : Metroid Prime Remastered est une refonte graphique avant d’être un nouveau jeu. Dans la vague des remakes récemment sortis ces dernières années, oubliez le travail incroyable de Capcom sur Resident Evil 2 par exemple, où la version 2019 est intégralement un nouveau jeu fondé sur les bases de l’original. Non, ce Metroid Prime Remastered est bien davantage dans la lignée du récent remaster de Dead Space, à savoir un lifting graphique pur et simple, en gardant le jeu original tel quel, à la virgule près.
Qu’on soit donc clair : ceci est Metroid Prime, brut de décoffrage. Tel qu’il était en 2003. Pas plus, pas moins. Et ça va même plus loin : Metroid Prime Remastered tourne sur le même moteur que la version GC ! Le moteur propriétaire créé en interne par Retro Studios il y a 20 ans, appelé RUDE, a continué d’être utilisé en interne pour tous les projets du studio. 20 ans plus tard, ce remaster tourne bel et bien sur la dernière version du RUDE : ce n’est pas une émulation améliorée de l’original, ni une refonte totale sous un autre moteur comme le classique Unreal Engine. Retro a décidé de rester fidèle à sa propre création jusqu’au bout.
Mais si je ne vous l’avais pas dit, ça n’aurait pas forcément été évident à voir, tant le travail sur les textures, les éclairages, les modèles, a été poussé loin. Disons-le sans détour : Metroid Prime Remastered est sans conteste l’un des plus beaux jeux de la Switch. Ce qui, certes, n’est pas bien dur quand on voit les purges graphiques récentes qu’ont été par exemple les derniers jeux Pokémon. Mais tout de même. MP Remastered tourne à 60 fps constants et nous permet de redécouvrir les écosystèmes de Tallon IV sous leur plus bel aspect. Les falaises rocheuses couvertes de mousse, les cascades qui se déversent dans les ruisseaux, la pluie qui rebondit sur le bras canon, les cavernes de lave du Magmoor ou les plaines englacées de Phendrana… Le rendu final est sublime et d’une grande crédibilité, il magnifie le monde déjà très crédible qu’il nous était donné d’explorer il y a 20 ans.
Predator
Profitant des capacités nouvelles de la Switch, Retro a également amélioré ou ajouté pas mal d’effets graphiques bien sentis : le ruissellement de l’eau à la sortie d’une baignade, l’effet de chaleur faisant danser l’air près de la lave, la condensation se formant sur la visière à l’intérieur du casque… Tout est sublimé et, sans pousser jusqu’au photoréalisme, permet l’immersion dans l’armure de Samus à un point jamais atteint.
En ce qui concerne cette immersion, on trouve quelques modifications du HUD de l’armure, la plus importante à mon sens étant le viseur infrarouge. Là où celui du jeu original était parfaitement net, celui du remaster ajoute une sorte de flou très étrange, donnant au viseur un rendu très proche des vraies caméras thermiques : une image brouillée un peu dégueulasse, à la façon de la vision du Predator dans les films éponymes. Sympa mais assez perturbant au premier abord, on se demande si on n’est pas devenu myope en activant le viseur pour la première fois ! Un choix technique critiquable, qui ajoute du réalisme mais retire un peu de confort de jeu.
Accessibilité maximale
Ce qui est d’autant plus étrange car le confort de jeu semble avoir été au cœur des prérogatives guidant le développement du jeu. Ce remaster propose ainsi 4 gameplays différents, interchangeables à tout moment dans le menu du jeu, même en pleine partie ! Une excellente décision qui permettra à tout le monde de jouer selon sa configuration préférée : la « classique » reprenant exactement celle de la manette GC de l’époque, la « Double Stick » qui se rapproche du maniement d’un FPS classique, la « Motion Control » directement héritée de Trilogy où votre Joy-Con devient le bras canon, et enfin « l’hybride », permettant d’activer la détection de mouvement à la demande en appuyant sur la gâchette R.
C’est cette dernière que j’ai utilisé pour ma part, la visée libre style Wiimote se révélant particulièrement trop sensible à mon goût. Le jeu n’étant pas taillé pour une visée libre (contrairement à MP3 par exemple), la visée hybride apporte à mon sens un peu de liberté quand elle est nécessaire, et un confort de navigation tout le reste du temps.
Au rang de l’accessibilité, on notera aussi quelques autres options paramétrables, notamment un filtre de couleur destiné aux daltoniens. Une option d’accessibilité très appréciable, qui tend à se répandre dans les jeux récents. Nintendo étant habitué à des productions cadenassées où les options sont réduites à leur plus simple expression (quand elles existent), il est très agréable de voir que ce remaster permet une personnalisation poussée. Chacun et chacune y trouvera son compte pour profiter au mieux de l’aventure.
Same, but different. But still same.
Et… c’est à peu près tout, en fait. 90% des changements de ce remaster tiennent à l’aspect graphique. Allouons 9% aux changements liés à la maniabilité. Il nous reste 1% pour des clopinettes : quelques secondes de plus dans une cinématique, un plan ou des détails ajoutés ici ou là dans une scène, quelques mots en plus dans un scan. Et c’est bien tout. Je le redis : c’est Metroid Prime tel quel. Les mêmes objets, la même carte, la même base de données, le même déroulement de l’histoire. Le tout en plus beau. Mais c’est le même.
Du coup, quiconque a poncé l’original ne se trouvera pas du tout dépaysé puisqu’il met les pieds dans un environnement connu… avec quelques changements subtils toutefois. Après 20 ans à pratiquer le jeu, j’ai mes habitudes de routes, de sauts, de déplacements dans l’espace de jeu. Je sais que je peux frôler telle caisse pour passer à tel endroit puis sauter ici pour atteindre telle plateforme. L’immense majorité de ce « micro-routing » est respectée, mais quelques endroits « accrochent » malgré tout : pas mal de sauts ont été imperceptiblement changés, des routes légèrement modifiées, des bordures de plateformes retouchées. Si bien qu’il m’a fallu un petit temps d’adaptation pour trouver de nouveaux réflexes, après pas mal de chutes frustrantes ou de blocages dans des murs où je ne m’étais jamais coincé auparavant. Des changements qui ont certainement trait à la plus grande richesse des modèles : en ajoutant plus de détails, fatalement on augmente les angles pour les collisions entre Samus et le décor. Rien de dramatique mais ce sont des changements perceptibles si on connait le jeu en finesse.
Pour tout le reste, on est en terrain connu. Les musiques sont là, telles quelles, sans réorchestrations notables (ou alors je ne les ai pas notées). Les bruitages sont identiques à l’original (avec une spatialisation modifiée dans les couloirs étroits, ça résonne davantage). Les voix sont présentes également, avec la possibilité de passer d’une narration complète (comme dans la version japonaise du jeu original) à une narration très succincte (comme dans la version américaine). Au niveau des bonus, on perd la possibilité de jouer au premier Metroid comme à l’époque (mais celui-ci est jouable sur la Console Virtuelle de la Switch), mais aussi l’armure Fusion que l’on pouvait débloquer à l’époque en connectant sa GBA avec sa GC. Un peu dommage de ne pas avoir gardé ce clin d’œil, surtout que Fusion a débarqué aussi sur Switch début mars. On se consolera avec les galeries d’artworks qui regroupent les anciens et les nouveaux, ainsi que des dioramas comme il existait sur Metroid Prime 3, et toute la bande-son du jeu accessible dans le menu.
Le retour du roi
De fait, on pourrait alors se demander s’il est toujours intéressant de faire Metroid Prime tel quel en 2023, et quelle est la pertinence d’un tel jeu dans le milieu du jeu vidéo actuel. Certes, le jeu semble s’adresser en premier lieu à toutes les personnes qui n’auraient pas fait l’original à l’époque, parce qu’elles l’ont raté ou n’étaient pas nées. Ces personnes trouveront dans ce remaster l’essence même du jeu de base, quasiment inchangée. Mais toute la communication autour du jeu indique bien également que ce titre flatte la nostalgie (comme des dizaines d’autres remakes et remasters qui sortent depuis quelques années maintenant). Ce remaster sent bon le « tu te rappelles comme c’était cool quand tu étais plus jeune et que tout était plus simple ? ». Comme avec Zelda Link’s Awakening ou d’autres remasters de la même veine, ce Metroid Prime parle d’abord et avant tout aux fans de la première heure qui retourneront sur le jeu de leur enfance avec plaisir. Car oui, malgré toutes les options d’accessibilité, les jeunes joueurs et joueuses trouveront sans doute le jeu un poil rouillé, notamment avec des déplacements de caméra relativement lents en totale opposition avec tous les FPS récents, ou bien encore par ces phases de plateforme qui datent un peu.
Et pourtant, malgré ces quelques points de rouille, et en étant le plus objectif possible, il faut bien avouer que Metroid Prime a plutôt bien vieilli. Même si les textures détaillées et l’écran large donne parfois l’impression d’être à l’étroit dans ces pièces taillées pour la Gamecube, le monde de Metroid Prime reste un modèle de construction interconnecté : tortueux et labyrinthique, il se révèle en réalité d’une incroyable logique et fluidité quand on commence à le connaitre. Sans atteindre le stade de Dread, où on n’a presque pas à réfléchir à sa route, je me suis rendu compte à quel point l’enchainement des objets dans Prime peut être fluide lorsqu’on sait où aller.
Son monde détaillé à travers la base de données n’a également rien perdu de sa pertinence et de sa fraicheur, même si une lecture audio des textes aurait pu être un ajout bénéfique pour fluidifier la progression. Tallon IV reste malgré tout l’un des mondes les plus crédibles qu’il m’ait été donné de voir dans un jeu vidéo. Le scanner, même si on peut en rigoler en disant que je joue sans tirer, apporte une vraie profondeur biologique à l’environnement dépeint.
Bilan final
Pour moi, Metroid Prime reste pertinent en 2023 comme il l’était il y a 20 ans. Parce que le matériau de base était déjà d’un tel niveau, ce remaster, même s’il apporte peu, passe un coup de polish bienvenu sur un jeu culte qui n’a pas à rougir face aux productions plus récentes. Il réussit à mon sens ses 2 missions : nous replonger dans un jeu culte des années 2000 et dans un pilier essentiel de la saga, et nous laisser entrevoir de quoi sera fait Metroid Prime 4. En terminant ce remaster, on n’a qu’une envie : maintenant qu’on a dégusté à nouveau ce plat qu’on aimait tant et qu’on voit de quoi est capable le cuistot, on a juste envie de goûter à sa nouvelle carte. Vivement Metroid Prime 4.
Bidoman
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